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Action sociale, Culture

Cartographie des usages actuels du numérique par les personnes en difficulté avec l'écrit

Du 13 février 2017 au 28 juillet 2017

Être curieux, des autres, de leurs manières de vivre, de ressentir, de percevoir, de se représenter le quotidien et les évènements. Être mû par la volonté d’approcher leurs façons de raconter, de se mettre en récit soi et le monde. Mettre en pratique cette curiosité, aller à la rencontre, discuter, partager. Et enfin s’interroger : quels usages des outils numériques par les personnes en difficultés avec l’écrit ?

Cette interrogation prend racines dans un contexte spécifique. « L’explosion » de l’usage du numérique est vue, par Michel Serres comme une troisième révolution de nos sociétés humaines après le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé et enfin de l’imprimé aux nouvelles technologies. C’est dans ce contexte très large qui vient interroger l’organisation de notre société et la place de l’individu en son sein, qu’arrive la problématique du positionnement des personnes en difficultés avec
l’écrit par rapport aux outils numériques.

La figure de la personne en difficultés avec l’écrit prend une place particulière dans ce contexte. Pour ne citer que les derniers évènements et les plus marquants :

En 2013, l’illettrisme est déclaré grande cause nationale. Un an plus tard, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, actuel président, déclarait que la majorité des employés des abattoirs bretons de la société Gad étaient des femmes, illettrées, bientôt sans emploi et sans permis de conduire. Il les plaint. La polémique éclate. Il s’agirait tantôt d’une insulte, tantôt d’un mauvais mot, tantôt d’un à priori faux et discriminant, etc.

Pour poursuivre la délimitation de ce contexte, en 2016, une grande vague de papiers journalistiques déplorent le niveau à l’écrit à l’école [voir bibliographie - rubrique articles], mettant parfois en cause les nouvelles technologies de la communication et de l’information. « On n’écrit plus qu’en texto, l’écriture sur clavier, la lecture sur écran n’est pas bénéfique » nous dit-on. Enfin, il y a quatre mois, la rumeur, selon laquelle la moitié des Pierre-Bénitains (sud de Lyon) ne savent ni lire ni écrire, parce que immigrés, pauvres et ou ne bénéficiant pas des aménités de la grande ville, arrivait à nos oreilles. La figure du démuni, du « sans dent » ou d’une autre manière « celui qui n’est rien » en opposition à celui qui a réussi, a, à peu près, le même statut que celle de l’illettré ou de l’analphabète. Ces figures se rejoignent également régulièrement. Dans ce qui ressemble à des représentations par classes, un imaginaire se tisse, où le dominant stigmatise et méprise le dominé, qui en retour
agresse ou ne respecte pas la société, par volonté ou par manque d’éducation.

Ce contexte on le voit se dessiner à travers ces polémiques, ces ragots et rumeurs... Néanmoins, ne faut-il pas bien longtemps pour l’approcher, ce contexte ? S’interroger et comprendre un tant soit peu pourquoi est-ce-que ça cristallise... Pourquoi ces propos ? Pourquoi les polémiques qui en découlent ? Pourquoi cette récurrence de la figure de la personne en difficultés avec l’écrit ? Pourquoi ce statut ? Pourquoi peut-on se sentir agressé, révulsé ou encore apitoyé devant une mauvaise orthographe ou syntaxe ? Quels tenants et aboutissants de ces imaginaires? Mais surtout, qu’est ce qui se joue autour de l’écrit, de ce domaine duquel certains individus sont plus ou moins exclus, à la croisée de l’écriture et de la lecture, qui forme un univers immense dont on tire une
forme de communication partagée et légitimée ?